Nous sommes allés à la rencontre de Dtone Jean Marie Compper, un artiste saisissant. Il nous livre une analyse sur son art, la sneaker, la mode et la hype.
Salut Jean-Marie, présente-toi en quelques mots ?
Je suis Jean-Marie Compper, pseudo Dtone, artiste peintre. Je fais de l’art figuratif et je suis également plasticien.
Comment s’est faite ta rencontre avec ton art ?
Je suis né avec… très tôt je me suis intéressé au dessin et à la BD. Un peu plus tard je me suis épris du tag et du graffiti, j’ai par la suite fait des études de narration figurative, tout en continuant à taguer. A partir de 1992 je me suis décidé à peindre sur toile, et depuis je suis resté sur ce créneau.
Ton travail est quelque peu singulier, dans le sens ou il est original. Où puises-tu ton inspiration ?
Mes inspirations sont multiples… Cela dépend de là où je pose mes yeux, le fait est que j’ ai été influencé par la BD, le pop art, le graffiti… En fin de compte j’accumule les choses. Je suis adepte du « ça et ça », et non du « ça ou ça », car j’ incorpore chaque nouvelle chose qui me plait à ce que je fais. Du coup, le prisme peut être très large, en partant du pop art à l’iconographie éthiopienne, et en passant par les peintres de la Renaissance, jusqu’aux nus grecques. C’est un mélange qui trouve sa place, c’est un style que j’ai appelé « afro-iconographique art ». Afro, car souvent les personnages sont de type négroïdes, donc noirs ; iconographiques, car représentés comme des icônes ; et art, car c’est le vecteur par lequel je passe.
Quand on regarde ton travail on y voit ce rendu un peu vitrail. Pourrais-tu nous expliquer ta démarche ?
En fin de compte c’est très simple ça m’est venu petit à petit. A la base, je porte des lunettes, je vois mieux de loin que de près, au fur et à mesure que je travaillais, ma vue baissait. Je voyais donc trouble, les couleurs devenaient des taches… Etant perfectionniste, un jour j’ ai décidé de masquer l’imperfection par un trait noir, ce qui donna une netteté à mon travail, et de ce fait, je me suis rendu compte que cela faisait comme une armature. J’ ai donc continué à perfectionner cette technique et peu à peu je me suis rendu compte que le rendu avait l’aspect d’un vitrail…
Dans ton travail, la culture noire est omniprésente. Pourquoi avoir pris pour thème de prédilection cette culture ?
Ayant étudié l’histoire de l’art, je continue à travailler comme les peintres l’ont toujours fait, je pars de moi, de ma réalité, et non pas de l’image sublimée. Souvent la réalité n’est pas l’image qu’on s’en fait. Je me mets en scène pour provoquer une discussion, et renvoyer et confronter le visiteur à sa vision. Mon travail est basé sur le questionnement vis-à-vis de l’image. Je ne vois pas le côté afro de mon travail. Je suis un peintre qui fait de la peinture, je ne suis pas un peintre noir, je m’adonne à l’art contemporain.
Quelle définition pourrais-tu me donner du street art ? Est-ce que tu te situes dans cette mouvance ?
C’est un terme novateur. Ca fait vingt ans que je peins, le mot street art n’existait pas, le mot est arrivé après moi. En général, pour définir quelque chose on à tendance à classifier et à mettre dans des cases, c’est ce que font couramment les gens. Ne me résumer qu’a cela est réducteur en tant que tel.
Quels procédés, techniques et outils utilises-tu pour peindre tes toiles ?
Mon procédé est pratiquement resté inchangé depuis 20 ans. Je dirige mon travail, je sais parfaitement où je vais du début à la fin. Les outils font partie d’un mode opératoire : Je commence par crayonner sur feuille, puis je passe à l’ordinateur. Il m’arrive aussi de prendre des photos en fonction de l’idée à traiter, et par la suite, une fois ma maquette réalisée, je passe ensuite sur ma toile. Je fais un premier dessin, puis je commence à peindre par couches successives : j’utilise de la bombe aérosol, chaque outil (pinceau, crayon, gouache, bombe…) Apporte une dimension particulière à mon travail. Il m’arrive donc de passer de l’un à l’autre vice-versa… Chaque élément a une place et une importance dans mon travail. C’est un tout encore une fois.
Es-tu un fan de sneakers?
J’ai été fan mais pas seulement. Je me suis intéressé à la basket assez tôt vers 12 ans en regardant l’émission de Sydney « Hip Hop ». A l’époque tous les danseurs avaient des baskets. Je n’avais pas les moyens d’en avoir, j’avais les chaussures de mon grand frère qui avait 10 ans de plus que moi. J’ai attendu plusieurs années (vers la fin des années 80) avant d’avoir des chaussures qui me plaisait. Je n’ai jamais été un grand fan des Jordan, puisque la première fois que j’en ai vu c’était en 1989 dans le film de Spike Lee « Do the right thing ». Moi j’étais plus influencé par la Reebok Integrity et les Converses (les « Cons »). À l’époque hormis les sportifs, les deux types de personnes qui portaient des baskets étaient les gens du hip hop et les hard rocker. de mon côté, je n’étais pas un sportif et j’étais plus attiré par le style. Porter des Jordan avec un jean large ça ne passait pas pour moi. J’étais très Vans car je venais du skate, j’adorais tout ce qui était sportwear surf et skate, et non pas ce sportwear comme on l’entend maintenant, qui est beaucoup plus généraliste. Mon but était d’avoir les baskets que personne n’aimait, qui ne plaisait pas et les moins chères possibles. J’allais souvent chiner et fouiner pour trouver des perles rares. L’esthétique de la chaussure primait sur la notoriété. Je me suis mis à customiser mes baskets à l’acrylique pour la simple raison qu’à l’époque, je n’aimais que le noir et le blanc, et que cela me permettait aussi de me démarquer des autres, avec des colorways improbables sur certaines paires, ce qui en étonnait plus d’un quand je me décidais à choquer les gens…J’avais toujours mon posca (n.d.l.r. feutre) et mon pinceau en poche au cas où je devais faire une retouche sur ma sneaker.
Raconte nous une anecdote… Qu’as-tu fait de plus fou pour avoir une paire ?
Lors d’un voyage aux États Unis en 1995, je me suis retrouvé à Harlem (NYC) et là j’ai eu le plus gros choc de ma vie en voyant concentré dans une petite boutique toutes les baskets des années 80 et courant 90, période dont je suis un fan absolu. En l’espace de 10 minutes j’ai du acheter une quinzaine de paires.
Comment expliques-tu cet engouement pour les sneakers ?
Pour moi on a donné une importance à quelque chose qui était utilitaire, ça a créé le style.il ne faut pas oublier que ce sont les hard rockers et les gens du hip hop qui ont suscité cet engouement, ils ont donné leur lettre de noblesse aux baskets au point d’en faire un art de vivre, la mode a vite compris qu’il y avait un marché très lucratif…
Comment pourrais-tu définir ces phénomènes devenus propres à la sneaker: la mode, le style et la hype ?
La mode c’est toujours intéressée au style, elle existe parce que le style existe, sans lui elle n’est rien, alors que le style lui, n’a pas besoin de la mode.
Pour moi la hype, n est que l’avant garde la mode, étant donné que toutes les deux, suivent un même courant. La hype est composée de gens pointus, et passionnés, qui suivent la tendance à la loupe, ce sont les premiers à posséder et à porter les articles, en fait c’est une course à la nouveauté. Ils portent tous les produits de la même façon, sans apport personnel, c’est un peu comme une panoplie, qui sera renouvelée à la prochaine tendance. Je le répète la hype ce n’est pas du style c’est de la mode à l’inverse du style qui lui, perdure dans le temps…
Exemple, les skinheads ou les rockabillies ont toujours été habillés, avec un dress code, qui suit une évolution, mais que l’on retrouve au fil des années et ce depuis des décennies.
Ce qui est dommage de nos jours, c’est que la mode s’est attaqué aux tréfonds du style et à bouleversé les habitudes de consommation d une partie de la population, en la rendant dépendante d une mode de masse, au détriment d’un style et d’une recherche plus personnelle…
Suivez Dtone sur son site web: http://www.art-dtone.com/
S.A