Dans la rubrique Band of Brothers nous donnons la parole à des amateurs de sneakers, pour cette dix-neuvième interview express, Walter Wallace a des choses à vous dire…
Bonjour walter, présente toi en quelques mots ?
Bonjour je m’appelle walter wallace, 44 ans,DJ…passionné par la street culture, le sport en général mais aussi par les icônes sportives… La musique bien sur, la cuisine aussi et ma famille beaucoup. Le tout de manière authentique, je m’explique: j’en suis encore à penser que si tu viens sur un dancefloor avec une Adidas Superstar ou une Puma Clyde aux pieds cela signifie que tu « passes » la coupole ou que tu sois, tu es forcement un killer sur le dancefloor,ou que si tu portes une air stab ben c’est à cause du « footbridge » et que donc tu es pronateur… hip hop- sneakers culture oblige! voilà mon degré d’authenticité.
Par quel biais es-tu venu à la sneaker (le sport, la curiosité du moment…) ?
Je dirais d’abord par mon père qui portait exclusivement des Adidas Stan Smith, et qui mettait point d’honneur à ne porter QUE de la marque. j’ai grandi dans un foyer ou on brandissait l’album « four seasons of love » de DONNA SUMMER ou la raquette révolutionnaire HEAD d’ARTHUR ASHE comme un trophée… Après je me suis toujours intéressé aux tenues de mes sportifs préférés, c’était la fin des 70’s début des 80’s… Un jeune mulâtre en recherche de repères… Un père dans le game: bam! je veux les Puma de Pelé, les le Coq Sportif de Yannick Noah, les Adidas d’Arthur Ashe ou de Marius Trésor… Après par le biais de la pratique sportive, je découvre la joie d’enfiler une paire neuve et l’effet que ça provoque… Et puis arrive H.I.P H.O.P de Sidney et ses PCB sponsorisés par Adidas..TOP TEN aux pieds. Le nec plus ultra. Ma culture sneaker vient de commencer on est en 84 et au magasin TEAM 5 de Créteil soleil, j’hésite entre les NIKE LEGEND et les TOP TEN/ce sera les LEGEND….
Tu as une paire une paire de Air Raid à la main, pourquoi ce choix ? que t’invoque ce modèle en particulier ?
Ce modèle c’est une sorte de quintessence de l’armure urbaine pour moi: noire, résistante qui porte un pagne afro!! Mec c’était Shaka Zulu à tes pieds… Quand tu arrives à Bir Hakeim sur le playground… pfff c’était panique panique à bord… Mais nous au club on les portaient pour aller jouer dans les vrais « hoods »..Montreau, Grigny, Corbeil ou Sannois st Gratien..il fallait au moins ça.
Te souviens-tu de ta première paire?
NIKE LEGEND blanc bleu pour ce qu’on peut apeler sneaker..sinon avant ça comme beaucoup c’était Stan Smith, Spring Court, Adidas Nastase, Adidas Gym et Adidas rom que tu trouvais chez Bata et André..et quelques Dorcas, ou Noël quand c’était la dèche…
En tant que DJ tu dois savoir que le Hip hop et basket-ball ont toujours été des univers très fusionnels en ce qui concerne la sneakers ? Comment cela s’explique selon toi ?
Je pense que c’est du à une volonté d’identification, porter les même kicks que Walt Frazier et Kareem Abdoul Jabbar ça parait logique à la fin des 70’s… Après il y a aussi une question pratique par rapport à telles ou telles phases de danse … comme je te l’ai dit plus haut les Superstar et les Clyde étaient portés par les « vrais » danseurs et c’est encore vrai aujourd’hui. Les MC/Rappeur eux ont plus misés sur le look des baskets montantes, mais la fusion hip hop basket vient surtout de la volonté de s’identifier à un joueur ou une équipe qui portent les valeurs qu’on veut revendiquer: réussite, authenticité, style..en tout cas au départ. Puis le game s’est inversé… Je me souviens du choc quand on s’est aperçu que CHUCK.D portait les L.A GEAR MVP 9434…au zénith de paris…
Tu as notamment bien connu l’univers produit Adidas pour y avoir travaillé il y a quelques années, que peux-tu nous dire du positionnement de la marque des années 90 jusqu’à nos jours ?
Oui, j’ai travaillé pour ADIDAS de 1991 à 1997, responsable du corner aux Galeries Lafayette puis à la boutique rue du louvre. Une marque légendaire avec de très bons produits et un savoir faire. Les années Tapie sont passées par la aussi il faut le rappeler. Quand j’y rentre en 1991 pour moi c’est le kiff. Quelques années plus tôt (entre 86 et 90) c’était la période hip hop « véner » Adidas nous a retourné, mon posse et moi avec les collections EWING ou RUN DMC qui répondaient à JORDAN…comme JORDAN n’était pas distribué, ca restait l’apanage de ceux qui bougeaient aux states… c’était surtout ADIDAS et leur SHOP du louvre qui nous parlaient; quelques modèles mythiques de l’underground hip hop francilien comme la METRO ATTITUDE qu’on appelait « la lézard » me faisait vraiment kiffer. Je rentre dans une institution: faut savoir qu’a la boutique rue du louvre il y avait un cuisinier en permanence, que les gros clients, les membres des fédérations sportives déjeunaient dans des salles souterraines sous la rue de Rivoli et la rue du Louvre après les matinées d’achats. Tout le staff et la force de vente étaient exclusivement constitués d’anciens champions (Michel Jazy, les frères Dorigo, Daniel Sangouma..). C’était toute une époque surtout entre 91 et 95 ou j’avais l’impression qu’on essayait de trouver une parade au « visible » de Nike et ça a été l’escalade, la course au concept:Torsion, Soft cell, Tubular, Feet you wear.
Il y avait de très bons modèles comme la Torsion Artillery qui aurait pu mieux fonctionner si Adidas avait osé sortir les versions US portées par les Lakers (James Worthy notament). La « All White » mid était dingue. A l’époque chaque pays avait ses collections spécifiques et c’était compliqué de modifier certains fonctionnements. Adidas avait un coté « vieille europe »qui restait un atout, mais qui ne pouvait rien face à la déferlante du swoosh… En général et de Jordan en particulier. On avait nos aficionados qui ne » lâchaient » pas : des produits, tels que la Stan Smith ou la Copa mundial dans le foot (et aussi un modèle en particulier portés par les « reur-ti »: la Torsion spéciale qui était en gore-tex,et qui allait très bien avec un Levi’s 501 brut et le blouson « Flight » ou « Schott »). Ces modèles restaient au catalogue chaque année et donc nous permettaient de fidéliser les clients et surtout c’était de bon produits, fabriqués en Europe de plus . j’étais présent au moment ou Adidas à sorti la ligne « Equipment » en 1993. Ca a été difficile de sortir les produits malgré une signalitique sous forme de locker room des campus US, des polos en maille piquée,et des modèles Torsion spécifiquement pensés pour la pratique du sport: un modèle pronateur,un modèle supinateur…bref à un moment chez Adidas il fallait limite être podologue pour pouvoir faire une vente … C’était aussi ce qui a fait la difference’ avec Nike.. Le systeme Torsion était trop long à expliquer pour faire une vente, le visible c’était l’idée parfaite…
A l’époque aussi la direction hésitait trop pour s’appuyer sur leur propre histoire et chaque année on nous demandait les basiques de la marque, du vintage déjà et on ne pouvait pas répondre à la demande. Ca se fera plus tard quand ils vont « splitter », les collections,originals, performance… En ce temps la ce qui faisait rager certains clients c’est qu’a Londres ou Tokyo les classiques étaient toujours au catalogue contrairement à nous. C’est réellement la déferlante basket et donc Jordan qui a fait mal à la marque;mais là encore il y a eu quelques bonnes initiatives trop peu appuyées: la collection Streetball, le Streetball tour, Mutumbo. C’etait pas mal mais Nike avait trop de bons joueurs sous contrat, il te remplissait Bercy pour le » Tour de force » avec Pippen Mourning et sir Charles. No comment… A partir de 95-96 Adidas va se reconcentrer sur sa force le Football, avec comme objectif la coupe du monde en France.. Ce fut plutôt une bonne idée. Mais même là Nike leur fera mal avec RONALDO , le joga bonito, la selecao. Adidas basket-ball signe Kobe Bryant, une très bonne nouvelle mais le phénomène basket et les ventes qui en découle s’essoufflent… Bref quand aujourd’hui je vois les réeditions plébiscitées de la Torsion Equipment support, des 8000 des 9000 de la torsion allegra(!!)… Ca me fait bizarre parce qu’on ramait des fois pour les sortir ces modèles! là ou la marque était par contre très habile c’était dans le partenariat via son service presse; ça créait une véritable émulation au shop et les produits étaient portés par l’underground montant(JHONY GO, RAGGASONIC, MENELIK, SOLAAR)…et pleins d’autres. Une petite anecdote en 1991 JEAN COLONNA collaborateur de Jean Paul Gaultier,sort une collab avec Adidas, LA TORSION SPECTRUM HI en édition limitée rouge,et une version noire, un bijou 20 paires sur Paris. SOLO(le b-boy), SQUAT, JOEY STARR, MODE 2 ,FRANK CHEVALIER et sa copine de l’époque NINA HAGEN tous les portaient, un vrai buzz de folie, je pensais que la marque sortirait le modèle mais hélas…
Es-tu un collectionneur ou un passionné?
Définitivement un passionné, surtout adepte des références concernant les produits par rapport à la conception, l’usage, aux anecdotes. Je suis un passionné par défaut parce que pas les moyens de collectionner toutes les modèles auxquelles je pense !!!
Pourquoi continue t-il d’exister un tel engouement autour de la Sneaker aujourd’hui ? Comment vois-tu le marché actuel de la sneaker ?
On est en plein dans le néo rétro ça réedite de partout des modèles que les plus petits ont vu portés il y a longtemps, les plus anciens peuvent revivre leur jeunesse… Bingo ! les puristes crient au scandale puisque des mythes sont réedités à des prix abordables plus ou moins dans le retail originel ou on ressort des modèles mythiques uniquement pour ces puristes fortunés, bref c’est insupportable. Mais je fais confiance aux passionnés, ceux qui connaissent vraiment le truc vont continuer à s’organiser. Après on peut pas aller contre les phénomènes de cycle. Regardez le verso de la pochette de l’album « heartbreak » de NEW EDITION… vous comprendrez ! On est en 1990 aujourd’hui…
Le mot de la fin ?
Avec mon pote Vince (Kassded) quand on avait 20 piges notre but c’était d’être comme Bill Cosby, pouvoir assortir chaque paire avec un survet dans tous les coloris quand on serait vieux. c’est pas un jeu ou un truc d’ado attardé, on est passionné jusqu’au bout voila tout…
Crédit photos: Babylon
S.A