Dans la rubrique Band of Brothers nous donnons la parole à des amateurs de sneakers, pour cette vingt neuvième interview express, François a des choses à vous dire…
Bonjour François, présente toi en quelques mots ?
François, parisien d’adoption, j’anime le blog www.keepflying.fr consacré à Michael Jordan dont je suis un fan inconditionnel. J’apprécie avant tout le joueur mais j’en suis venu assez naturellement à m’intéresser aux chaussures qu’il a inspirées. J’écris aussi des papiers pour quelques sites web avec comme fil conducteur la NBA du début des années 90. Le reste de mon temps je le partage entre ma famille, mes amis et les voyages qui sont l’une des plus belles écoles de la vie… même quand on a 30 ans révolus.
Par quel biais es-tu venu à la sneaker (le sport, la curiosité du moment…) ?
Par le sport, d’abord, mais c’est surtout ma passion toute particulière pour l’ancien numéro 23 des Bulls de Chicago qui m’a conduit à m’intéresser à ses kicks d’un peu plus près. Le hasard a ensuite bien fait les choses et j’ai eu la chance de faire de belles rencontres depuis 5 ans. Je ne suis pas un addict. Je suis plutôt quelqu’un qui éprouve un vrai intérêt pour quelque chose devenu indispensable à l’homme depuis qu’il a décidé de se tenir sur ses deux jambes.
Tu sembles brandir comme un trophée la Huarache, as-tu une histoire particulière avec cette paire ?
Pas d’histoire particulière sinon de l’admiration pour son côté avant-gardiste, tout du moins lorsqu’elle a été commercialisée, en 1993. De mon point de vue, c’est un des concepts les plus abouties de ces 20 dernières années, à mettre au même niveau que des Air Jordan ou des Air Max. Dans l’une des dernières interviews qu’il a livrées pour le site designboom (http://www.designboom.com/design/tinker-hatfield-interview/) Tinker Hatfield affirmait que la Huarache faisait parti des trois projets les plus passionnants sur lesquels il a eu la chance de travailler. Elle partage d’ailleurs le podium avec la Air Max 1 (1987) et la Air Jordan XI (1995). Bel hommage mais honnêtement c’est mérité. Je considère que cette paire avait une belle longueur d’avance sur sa génération en termes de shape et de confort. Avec son chausson en néoprène qui épousait complètement la forme du pied, le Spandex qui recouvrait la partie supérieure de la chaussure et la sangle en caoutchouc en guise de talonnette, la Huarache offrait un triptyque maintien /confort/légèreté complètement insensé. Nike a fait mieux depuis avec la technologie Free. Elle en a même remis une petite couche avec le Free Flyknit. En réalité, les mecs de chez Nike se sont contentés de revisiter la Huarache pour sortir ces trucs de fou qui permette de se rapprocher de la sensation du pied nu. Sauf qu’ils ont trimé 20 ans. Hatfield l’a fait en 1993 et c’est fort.
Te souviens-tu de ta première paire?
Je vais vous décevoir mais je ne m’en souviens pas sauf qu’il s’agissait d’une paire montante, en mesh avec trois bandes bleu, blanc et rouge. Je suis infoutu d’en donner le nom ou même la marque. Un grand basique pourtant. Il y en avait partout dans le milieu des années 80. Petit appel à témoin. Si quelqu’un a des infos sur cette paire, qu’il vous écrive et vous transmettrez. Je n’en suis pas forcément très fier. Mais à l’époque ce n’est pas moi qui choisissait, si vous voyez ce que je veux dire. Par la suite, j’ai essentiellement porté des paires de tennis puisque c’est le sport que j’ai eu la chance de pratiquer étant jeune. J’en ai torpillé des centaines de paires. Leur durée de vie, en moyenne 3 mois ! Je remercie mes parents d’avoir renouvelé avec autant de frénésie cet outil de travail qui, pensais-je alors, ferait alors de moi le futur Stephen Edberg ! D’Edberg je n’ai eu que le poster mais ca ne pas empêché de porter des dizaines de paires : du Puma, du Wilson et du Adidas. Des choses faites d’une grosse semelle en caoutchouc et d’un upper en cuire ou en mesh. Rapidement, je suis passé aux Nike Air dont je suis devenu un adepte. Ce n’était pas qu’une question de marketing. En termes de performance aussi, la différence était notable. Plus tard, j’ai chaussé de la basket. Question de mode évidemment. J’ai essentiellement eu de la Converse, notamment la Magic Johnson, qui convenait visiblement au budget familial. Qu’en j’ai gagné mon indépendance, – la mère dirait plutôt OBTENU, je suis passé à des choses beaucoup plus sympas. En bon français, j’ai eu beaucoup de running: Air Max 1, Requin, Air Max 95… J’ai également été un gros consommateur de Air Force I, qu’une triple entorse m’a contraint à répudier. Depuis 5 ans, j’alterne running, Jordan rétro et paires de training. J’ai 8 à 10 paires à la fois. C’est suffisant. Rien ne sert de courir il faut partir à point… et avec la bonne paire !
Es-tu un collectionneur, un passionné ou juste un consommateur?
Passionné, un peu. Consommateur beaucoup. J’achète, je porte et je jette car je considère que les chaussures sont faites pour être portées. « Rock don’t stock » comme ont dit. J’ai du mal à concevoir qu’on puisse « collectionner » les kicks surtout quand on voit l’effet du temps sur les matériaux qui sont dorénavant essentiellement des dérivés synthétiques. On peut les restaurer mais ca reste une affaire de spécialistes. J’ai par contre une certaine fascination pour les gars qui sont dans le game. Certains y consacrent de gros budgets et plusieurs heures par jour. C’est intriguant et fascinant à la fois d’autant que c’est un phénomène qu’on n’avait pas vu jusqu’à présent, du moins par son ampleur.
Selon toi, pourquoi existe t-il un tel engouement autour de la Sneaker aujourd’hui ?
Je me pose souvent la question. C’est un phénomène de société et comme tous les phénomènes de société certains vont sans aucun doute en faire des sujets de recherche. Il parait même que ça a déjà commencé. Des étudiants en ont même fait leur sujet de thèse. Je leur laisse le soin de nous apporter les réponses.
Le rétro est à l’honneur chez les marques depuis plus de 10 ans. Qu’en penses-tu ? Les marques n’en abuse-t-elles pas au risque de ternir leur image ?
L’avenir, la plupart des marques de chaussures le voit dans le vintage. Et elles s’en portent fort bien. Mais le renouveau ou la notoriété de certaines marques ne se résume pas a un banal coup de nostalgie. Si la grande majorité des marques opte pour des rétros, c’est bien entendu avant tout pour faire vibrer la corde sensible de certains fans, souvent nostalgiques, mais c’est aussi de façon évidente un moyen d’envisager l’avenir. Le « Old School is Cool » comme on a coutume de dire, mais pas seulement. Flatter les souvenirs fondateurs permet aussi de financer la R&D. Toutes les technologies que les marques ont imaginées ces dix dernières années l’ont été grâce au rétro. Mettre au point de nouvelles techniques coûte aux marques plusieurs milliers de dollars. Les rétros déjà amorties à mainte et mainte reprises, sont devenus une source inépuisable de financement. Quand bien même la qualité n’est pas toujours au rendez-vous, il ne faut pas les blâmer. Sans elles, nous n’aurions peut être pas connus les concepts supers novateurs que les fabricants ont fini par lancer. Prenons l’exemple de la technologie Flyknit. Sa mise au point a couté une fortune à Nike et ca n’aurait peut être pas été possible sans les dizaines de millions de dollars engrangés grâce au vente de rétros Air Jordan. Ce qui est vrai pour Nike ne l’est pas nécessairement pour les autres. Pour Reebok par exemple, le charme de l’ancien n’est là que pour redonner un peu de lustre à une marque qui soit disant en passant sentait un peu la naphtaline. Il ne faut pas en attendre beaucoup plus. Pour d’autres, le rétro est juste un moyen de mettre du beurre dans les épinards. Finalement, que les marques revisitent les grands classiques ne me surprend qu’à moitié. Elles le font simplement avec plus ou moins d’habileté.
Jordan Brand ne fait quasiment plus que de la rétro. Cela peut tout de même finir par devenir dérangeant ?
JB et les rétros c’est presque un pléonasme. A la différence de pas mal de ses concurrents, JB en a fait le cœur de son business. Si ça semble une évidence pour pas mal d’entre nous, ça ne l’était pas tant que ça il y a quelques années. La marque a en effet beaucoup souffert du second départ à la retraire de MJ. Il y a encore 6 ou 7 ans, JB n’avait pas encore trouvé son crédo. Elle s’est recentrée sur le rétro. C’est sans doute un concours de circonstance car il y a eu une grosse demande au moment où la marque cherchait à se relancer. Il y avait un filon, ils l’ont développé et ça leur a réussi. Sauf que dorénavant, la marque en a fait son leitmotiv. JB c’est dorénavant 70% de rétro et 10% de Melo, Chris Paul ou Griffin. Est-ce que ça durera éternellement ? Sans doute pas. La marque va rapidement devoir se réinventer. En attendant, je comprends que cela puisse déranger mais le choix est assez large pour espérer trouver son bonheur ailleurs.
Le mot de la fin ?
« Endless », comme toutes les passions celle pour les sneakers est sans fin. J’en cherche encore le but ultime.
Retrouvez François sur son site: www.keepflying.fr
Crédit photos: Babylon
S.A