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George Eddy, le basket pour salut.

Bonjour George Eddy, présente toi en quelques mots ?
Je suis Franco-américain de naissance, j’ai grandi aux Etats-Unis et j’ai surtout eu la chance de devenir basketteur professionnel et journaliste sportif en France depuis mon arrivée en 1977. A ce titre la France a été un grand pays d’opportunité pour moi.

Avant d’être journaliste sportif, tu as été basketteur pro, dis-nous comment tu as découvert ce sport qui a fait ta renommée ?
Au tout début, c’est en voyant les Harlem Globe Trotters à l’age de 6 ans et puis j’ai enchaîné en m’intéressant à la NBA à l’époque de Wilt Chamberlain et de Bill Russell au début des années 60. Je ne me suis pas focalisé que sur la NBA, mais aussi sur le basket universitaire, européen et naturellement le basket français, c’est vous dire comme j’aime ce sport.

Tu as fait rêver une génération de basketteurs sur  en tant que consultant sur les matchs NBA, pourrais-tu nous expliquer ton parcours ?
Ma carrière de basketteur m’a amené à jouer au Racing Paris en 1984, au moment où Canal Plus faisait son apparition à l’antenne, je me suis abonné tout de suite et j’ai vu dans les programmes qu’il allait y avoir du basket américain. J’ai donc envoyé un CV à la chaîne pour proposer mes services car je pensais avoir les qualités requises, étant franco américain et fan absolu de NBA, voilà pour la petite histoire… La suite vous la connaissez !

Tu es dépositaire d’un très grand nombre d’expressions et d’onomatopées devenues mythiques comme, « dunkorama » , « jordanesque » ou « gruyère time ». Explique-nous si tout cela te vient naturellement ou as-tu travaillé ton style ?
C’est venu très naturellement, mais c’est surtout grâce à mes parents, ma mère était une personne assez communicative, et à son contact j ai acquis cette facilité de communication. Après j’ai façonné mon style de commentateur à travers les années en essayant de progresser à chaque match, en faisant une bonne préparation et en cherchant de bonnes anecdotes. J’étais conscient que j’étais une courroie de transmission de la culture du basket américain au public français qui ne connaissait pas la NBA et la manière de commenter les matchs, j’ai donc pris mon rôle très au sérieux.

En presque que 30 ans de consulting sportif, j’imagine que tu as rencontré des sportifs de renommée mondiale sur les plateaux de télévision. Est ce qu’il y a un sportif qui t’a plus marqué que les autres ?
Forcément Michael Jordan, car la montée en puissance du basket en général sur Canal Plus coïncide avec la génération Jordan des années 90. C’était l’époque glorieuse et porteuse pour le basket NBA, mais aussi pour le basket français et international avec la Dream Team à Barcelone en 1992, l’équipe de France finaliste aux JO de Sidney en 2000… Et il ne faut pas oublier le phénomène du basket playground auquel j’ai beaucoup participé. Tout ça pour dire que Michael Jordan que j’ai côtoyé de très près pendant des années est pour le plus grand athlète de tous les temps…

Est-il vrai que Michael Jordan t’a remercié pour avoir rendu le basket-ball populaire en France ? Qu’est-ce qui t’as marqué le plus chez lui ?
La réponse est oui… La dernière fois que j’ai croisé MJ pour le Jordan Classic à Paris, il m’a en effet dit cela. J’ai forcément été très ému et touché par ce compliment venu de Michael Jordan. Ce qui m’a marqué le plus chez lui, c’est que c’était le seul joueur avec des dons hors du commun, une mentalité de bosseur et de gagneur, mais également avec un jeu aérien très spectaculaire. Généralement les joueurs doués sont moins travailleurs et les joueurs travailleurs sont moins doués, lui Jordan avait les deux et en plus il avait une rage de vaincre jamais vue jusque-là. C’est tout cela qui l’a rendu imbattable quand il a mûri et qu’il est devenu plus collectif dans son jeu. Pour moi, il est le Pelé du basket, voire même le Mohamed Ali de ce sport.

Pourrais-tu nous relater l’hystérie autour de la venue de Michael Jordan au gymnase Géo André à Paris en 1990 ?
Il était venu une première fois sur le plateau de Canal Plus en 1985, mais en dehors de ce plateau il était passé un peu inaperçu. Cela montre d’ailleurs que Canal Plus a toujours été précurseur quoiqu’on en dise. En 1990, Jordan est en train de devenir une immense super star mondiale, il n’a pas encore gagné de titre, chose qui allait arrivé rapidement… A vrai dire, Nike a sous estimé son impact lors de sa venue à Paris à l’été 1990. J’étais l’animateur et le traducteur de l’évènement, et le guide touristique pendant le séjour de Jordan, et je l’avais notamment interviewé pour le magazine Mondial Basket, qui reste à ce jour  une interview de référence pour ma part. Pour revenir à cette journée si particulière, à la salle Géo André, il y avait 1500 places et 10000 personnes sont venues ! Le staff de Nike était complètement paniqué, Jordan aussi, son entourage également, au point que Jordan voulait annuler tout simplement sa venue, car il avait peur que la foule envahisse le terrain.

La salle était clairement trop petite et il y avait beaucoup trop de monde, j’ai réussi à convaincre Jordan dans les vestiaires avec l’aide des dirigeants de Nike de rester, qu’on allait le protéger et je suis allé faire une annonce au public disant que si on le touchait, l’évènement allait être annulé… Et c’est seulement à ce moment-là que Jordan m’a écouté et est sorti du vestiaire entouré par moi, ses avocats, ses gardes du corps et du staff de Nike. Avant ça, il a fallu aussi que je monte sur un bus à l’extérieur de la salle pour annoncer aux 8000 personnes dehors qu’on avait mal évalué la capacité de la salle et qu’il fallait qu’ils rentrent chez eux, un grand moment de solitude pour moi. Malgré tout on a réussi à remplir la salle à ras bord, il n’y avait d’espace que sur le terrain… Le public a compris le message et s’est bien comporté. Jordan a joué et il a même arbitré le concours de dunk, la journée à partir de ce moment-là s’est bien déroulée, on l’a interviewé pour la télé et la presse, on a fait des reportages avec lui. Certaines images de cette journée figurent dans un documentaire quand il y pris sa première retraite en 1993, c’est vous dire que cette journée est resté dans les annales, comme un des moments les plus incroyables du basket sur Canal Plus et pour ma carrière de journaliste sportif.

Il me semble que tu as eu une boutique basket-ball appelée Magic Basket à une certaine époque à Paris, comment t’es venu l’idée d’ouvrir ce shop ?
Magic Basket en référence à Magic Johnson bien sûr… En fait en 1987, j’avais des copains qui pensaient que c’était une bonne idée, on était un peu précurseurs avec cette bonne idée de vendre des produits dérivés du sport américain, NBA et NFL notamment. On a pas su en profiter pleinement car on était pas assez disponibles et professionnels dans ce métier là, et quand les grosses enseignes se sont intéressées à ce marché on ne pouvait plus suivre.

Est-tu un fan de sneakers ?
Oui je suis en fan de sneaker mais pas hyper connaisseur. A travers les années j’ai vu passer toutes sortes de baskets… Comme pour la télévision, j’ai vu l’évolution des modèles. Pour exemple en 1977 quand je jouais en pro, on avait le choix entre trois paires de basket pas plus. C’était surtout des Adidas et des Palladium, les Nike n’existaient pas encore, donc j’ai vu grandir ce marché surtout chez Nike qui m’a fourni pas mal de paires depuis un certain nombre d’années, paires que j’ai revendues mais j’en ai surtout donné à des gamins dans mon club de basket au Vésinet dans le 78. La culture sneaker et ses différents univers et son histoire m’ont toujours attiré et j’ai aimé observer comment le hip hop en a fait son étendard par exemple à un certain moment, puis la hype qui existe autour du produit de nos jours… Je vois la sneaker comme un produit technique très travaillé quand on veut jouer au basket, et décoratif si on veut frimer dans les soirées comme la dernière collection Adidas de Jeremy Scott qui fait beaucoup parler et dont je suis fan.

Je sais que tu as grandi dans le quartier de Winter Park  pas loin d’Orlando et que ton père a œuvré au près de Martin Luther King. Ton père a notamment contribué à l’ouverture d’un complexe sportif dans un quartier noir en Floride, pourrais-tu nous raconter cette formidable histoire ?
Mes deux parents avaient des handicaps physiques assez importants, ma mère aveugle et mon père partiellement paralysé, mes parents étaient très sensibles à toute forme d’injustice et de marginalisation de la société que cela soit économique, religieuse ou encore raciale. Mon père avait acheté pour toute la famille une carte de membre à vie au mouvement de Martin Luther King ou il y avait 95% de noirs et 5% de blancs (NAACP), dans les années 60. C’était très courageux de sa part de prendre position de cette manière-là, d’autant plus que le Ku Klux Klan qui était très actif pouvait agir en représailles contre les noirs et les supporters des droits civiques dont mon père faisait partie. L’anecdote veut que j’ai rencontré le pasteur Martin Luther King lors d’une manifestation où il était venu saluer mon père. J’ai vraiment été imprégné par les discours de Martin Luther King à la maison passés sur des 33 tours qui mettaient les larmes aux yeux de mon père, qui était d’une famille de missionnaires protestants, c’est pour ça que le coté religieux et le fait de se battre pour les droits civiques des noirs était un peu le combat de toute son existence. Il a oeuvré pour faire construire cette salle dans les années 60 dans le quartier pauvre de Winter Park, c’était du jamais vu à l’époque. Le plus ironique dans tout ça c’est que mon père n’était pas un grand fan de basket ! Nous jouions dans cette salle avec tous les meilleurs joueurs du coin. Chaque fois que j’ai l’occasion de parler de cet engagement de mon père, je le fais. C’est la fierté de la famille.

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Le mot de la fin ?
Pendant trente ans en tant que joueur, coach, dirigeant et journaliste sportif, j’ai toujours essayé de véhiculer ce que je considère comme de bonnes valeurs, comme par exemple la bonne façon de jouer au basket collectivement. Pour moi c’est toujours le groupe qui doit primer sur l’individu, et à ce titre Jordan en est le bon exemple, car qu’il a commencé à gagner des titres quand il a mis en valeur les autres, tout comme Magic Johnson l’avait fait au début de sa carrière. Les valeurs de partage, ça concerne le ballon et le sportif, mais ça concerne aussi la vie en général. Le basket est à l’image de la société, multi ethnique, composée de toutes les religions… Toutes les nationalités y sont représentées et peuvent se retrouver sur un terrain et dans une même équipe de basket, dans cet esprit de partage.

Crédit photos: Babylon

S.A

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